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Le Blog du Bus 38
15 décembre 2005

30 ans de bus... mais peur en avion!

Marius, ancien du 38 vient de partir à la retraite. Il nous a envoyé ce message avant de prendre son avion pour la Martinique où il retourne: 

Je dois l’avouer, je panique en avion. Et pourtant, c’est à chaque fois la même chose, je flippe comme une femelle mangouste.
Je flippe environ trois jours avant. Les premiers symptômes sont une légère prise de poids due à l’absorption frénétique de M&M's Crispi. Je me dis que si je dois y rester, il n’y a pas de mal à se faire du bien. Troubles du sommeil, difficultés de langage, voici comment se passe un vol en avion traditionnel. Je ne vous parle pas des quelques heures qui précèdent le décollage, où je pars dans des délires mortuaires à faire vomir d’angoisse la dernière miss France.
Le pire c’est l’ambiance d’aéroport. Depuis le 16 août le crash avec 152 Martiniquais, je guette le terroriste. Et tout le monde est suspect !!!
La moindre petite vieille qui porte un cabas louche, et mon radar interne se met en alerte. Prêt à dénoncer à la moindre perle de sueur sur un front récalcitrant. Je rêverais d’être employé des douanes. De dévisager le pékin moyen, de rentrer dans son sac pour y dénicher le vibromasseur rempli d’explosifs ou le rasoir électrique gonflé à la dynamite. Mais je ne suis qu’un passager qui doit ôter sa ceinture devant la jeune et jolie employée des douanes. C’est bizarre, mais de faire glisser ma ceinture devant cette fille me gêne. C’est vrai ça quand même, c’est intime comme geste...

Je sens comme une ambiance d’attentat, un brouhaha de destins qui ne savent pas qu’ils vont bientôt mourir. Ces enfants qui courent et s’amusent gaiement, ces mères qui les regardent avec amour, ces deux nones (Y'a-t-il un pilote dans l'avion ?), ces businessmen, ce couple d’amoureux. Un peu comme dans Terminator, ces images de jardin d'enfant avant le grand Boum. Je voudrais tout arrêter et leur dire de ne pas y aller. Je voudrais faire demi-tour, j’ai un sale pressentiment. Mais comme j’ai à chaque fois le même, je me dis que ce n’est pas un pressentiment. Que je suis juste un gros trouillard et que tout le monde va se moquer. Mais je me souviens toujours de ces histoires de gens qui ont avancé ou reculé leur vol parce qu’ils avaient eu un bad feeling. Dommage que j’ai toujours un bad feeling... A quoi ça sert d'avancer mon vol ? Si ça se trouve c’est celui d’avant qui va se crasher ! Arrggghhhh...

J’ai mal au bide c’est une horreur. Je voudrais rentrer chez moi, prétexter une grippe foudroyante qui vient de me faire tripler de volume, des boutons sur le nez et une crise subite d’hémorroïdes qui m’interdirait toute position assise... Mais non, tout va bien, je suis là et bien là et tous ces morts en sursis aussi. 

Appel à l'embarquement ! Je ne comprends pas pourquoi tous ces gens se ruent vers l'embarquement avec tant d'entrain. "Les places sont numérotées, personne ne va vous piquer votre siège !" ai-je envie de gueuler. Mais non, ils préfèrent rester 20 minutes debout...
J'attends. Allez-y, je me laisse une dernière chance de changer d'avis bande de fous inconscients."Comment voulez-vous qu'un truc aussi lourd puisse voler ? Vous croyez vraiment tout ce qu'on dit !" Bande de malades... Je suis sûr que le pilote est bourré et qu'il veut se suicider aujourd'hui. Sa femme l'a quitté, il veut partir avec les honneurs de l'actualité. C'est sûr, c'est pour ma gueule, c'est aujourd'hui...
 

Je m'installe contre le hublot parce que si on tombe, je pourrai voir la mort de près. Le premier qui veut mon hublot je lui pète la gueule ! L'avion fait plein de bruits bizarres, des bip, des cling et des bruits de robot.
- "C'est quoi ce bruit ?" dis-je à mon voisin.
- "Ils ont fermé les soutes..." répond-il sereinement, sans me regarder, tout en continuant la lecture de l'Equipe.
Comment peut-on lire le journal dans un moment pareil ? Est-il fou ce gars ?
Moi je veux regarder l'horizon, me souvenir de tout avant d'emporter quelques souvenirs au ciel. Les gars au sol se gèlent les miches dans leurs chasubles fluorescentes. "Si je survis à ce vol, je ne reprendrai jamais l'avion ! C'est juré". C'est juré mais je me dis la même chose à chaque fois. Je n'ai aucune volonté avec le monde du transport.
 

Voilà. On y est. Ce moment insupportable où l'avion stoppe sur la piste. Je sais que dans quelques secondes, il va mettre le turbo ; mon avenir, désormais, est entre les mains du Commandant X qui, si ça se trouve, est un gros maniaco-dépressif dégénéré qui pue du bec. Je l'insulte mentalement et me dis que le type est un salaud. Si je pouvais je me lèverais pour aller vérifier, entamer un dialogue, devenir une sorte de médiateur... Mais si je me lève on va me piquer le hublot. Et je vais rater la démo du gilet. 

Je vérifie bien que le mien se trouve sous le siège, c'est bon. Je ne vois pas bien à quelle occasion m'en servir, mais visiblement, ils insistent tellement pour qu'on écoute... Comment ça se passe en cas de problème ? Je ne peux m'empêcher d'y penser. Déjà que je mets dix minutes à enfiler mes chaussettes, je m’imagine bien tenter d'enfiler une bouée de sauvetage, à la hâte, pendant que l’eau rentre dans l’appareil, que tout le monde hurle et que les flammes me lèchent les poumons. Ou alors je le mets maintenant, en prévision. Les voisins Antillais me disent que non, qu'ils n'ont pas envies d'avoir la honte ; je les comprends et me ravise. Mais c'est très regrettable... 

Une question me vient à l'esprit et je la pose à mon voisin :
- "Comment se fait-il que la queue de l'avion  ne touche pas le sol au décollage ?"
Il me regarde un peu effondré, mais respecte mon angoisse...
- "En fait, elle touche le sol mais elle est super solide et on ne sent rien...", me dit-il calmement.
Le gars se fout de ma gueule !!! Ce n'est pas si con comme question, pensez-y ! OK. Je n'ai donc aucun soutien de la part de mon voisin. Les autres aussi sont bien installés ; tout le monde lit, enlève ses pompes, commande à boire. OK. C'est le complot des inconscients.

J'ai tellement les mains moites que j'ai la couverture de l'Equipe imprimée sur les paumes Il n'y a plus qu'à regarder le monde d'en haut en espérant que tout se passe bien. Qu'on ne croise pas un pélican ivre mort qui s'infiltre dans le moteur, qu'on ne croise pas un autre avion maladroit, qu'il n'y ait ni bombe, ni prise d'otage, ni panne de moteur, ni je ne sais quoi... Je veux revoir ma famille. Et si je meurs, comment je ferai pour expliquer mon silence sur ce message ? Les gens ne comprendraient pas... 

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Commentaires
A
Ah je me reconnait tout à fait là en toi,<br /> quand je rentre dans un avion j'ettouffe, je stresse et panique.<br /> mais bon il faut se résoudre à croire que ces monstres de technologies ne se crashent que par mal adresse humaine.mise à part certain problème technique de certain avion.<br /> @+
L
j ai grosse envie de caguer, j y vais je vouc raconterais lol
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